En entraînement sous le «Pain de sucre», le numéro 1 leur va si bien. Photo @ C. Launay/FF Voile
Après quelques jours de vacances avec leurs conjoints respectifs et avant une petite semaine au «vert» puis le départ pour Rio, Billy et Marie ont retrouvé l’Ecole nationale de voile et des sports nautiques pour un ultime stage avec leurs fidèles partenaires d’entraînement, Moana Vaireaux et Manon Audinet, aussi brillants que discrets et disponibles, Franck Citeau le coach incontournable, et aussi Julien Bontemps, le champion du monde et médaillé olympique en RS:X, conseiller toujours aussi judicieux et pertinent pour la préparation physique et mentale. Autant dire qu’ils sont sacrément bien entourés ! Navigations sur le Nacra 17 «bis» (l’autre étant déjà bien au chaud à Rio) histoire d’entretenir les sensations, soins quotidiens, préparation physique… sont au programme avec, pour achever cette session, un raid tranquille vers Houat et bivouac de nuit sur la plage ! Le duo, toujours aussi avenant – et qui est notamment soutenu par Bic Sport –, a pu mesurer sa popularité, s’offrant un bain de foule lors du mondial O’pen Bic et signant des rafales d’autographes aux jeunes régatiers du monde entier. Entretien mot pour mot avec les deux champions.
Le Nacra 17
Billy Besson : «ll faut rappeler que les Nacra 17 construits en série (en Thaïlande, ndlr) ont une durée de vie très limitée, d’une part car on les pousse à fond et que les matériaux ne sont pas forcément adéquats. D’autre part, ils ont beau être monotypes, il y a quelques différences, notamment dans l’alignement des safrans, des poutres… On a essayé avec Mer Agitée au moins d’aligner le bateau afin qu’il soit droit et conforme à ce que l’on souhaite.»
Marie Riou : «Par exemple, dans les puits de foils, on a un jeu de 2 centimètres, et chacun fait son calage comme il l’entend en fonction de sa manière de naviguer.»
La réclamation au championnat du monde
B. B. : «On nous a reproché lors du dernier championnat du monde à Clearwater (le soir de la première manche que nous venions de gagner) d’avoir les dérives les plus extérieures. Le jaugeur a donc mesuré l’écart entre les deux appendices. Nous étions dans la jauge, et ce d’autant que c’était le même bateau qu’en 2015 et qui avait été mesuré justement par ce jaugeur ! Il y avait encore sa signature à l’arrière des coques. Ce bateau n’a fait que deux régates : le championnat du monde au Danemark l’an dernier et le championnat du monde aux Etats-Unis cette année (et c’est celui qui sera utilisé à Rio, ndlr). Ça ressemblait à une tentative de déstabilisation. On a juste prouvé par A + B qu’en fonction des réglages de chacun, selon si le bateau est mâté ou pas, les chiffres diffèrent. Le jaugeur a donc pris deux mesures au hasard. Il faut savoir qu’un catamaran est rigidifié par la martingale (en avant de la poutre avant, ndlr), et on peut soit la solliciter, soit la détendre. Rien qu’en jouant sur cette tension, ça modifie l’écart entre les dérives de 1 centimètre.»
M. R. : «En fait, nous étions parfaitement dans la jauge, mais soi-disant les plus extrêmes. Le plus drôle, c’est que c’est le jaugeur qui a réclamé. Nous ne savons pas s’il l’a fait sous la contrainte d’adversaires ou de son propre chef, mais ce qui est un peu malsain, c’est qu’il a tenté quelque chose qui n’était pas du tout quantifiable ou vérifiable.»
B. B. : «En voile, on essaie d’abord de gagner sur l’eau. Ensuite, il y a le tapis vert. Mais il faut faire abstraction de tout ça et rebondir le lendemain. C’est, je pense, ce que nous avons plutôt bien fait.»
Nos plus et nos moins
B. B. : «Le plus, c’est Marie !»
M. R. : «Le plus, c’est Billy ! C’est clair qu’on a la vitesse, et cette dernière rend intelligent. Les rôles sont assez bien dispatchés à bord. Je ne sais pas trop comment fonctionnent les autres équipages. Nous, on discute surtout avec Moana (Vaireaux) et Manon (Audinet).»
B. B. : «Je crois que notre force, c’est d’abord que nous avons une énorme confiance mutuelle. On sait aussi que l’on va toujours essayer de donner le meilleur de nous-mêmes à chaque moment de la régate. C’est hyperimportant aussi de pouvoir compter l’un sur l’autre, et dans l’adversité de ne rien lâcher pour, par exemple, regagner des places. J’ai envie de dire que l’on fonctionne à 50/50. Au près, j’essaie de faire marcher au mieux, et c’est Marie qui gère toute la tactique et le placement du bateau par rapport aux adversaires. Au portant, c’est plutôt l’inverse. Parfois, c’est assez cartésien.»
M. R. : «Mais parfois c’est aussi plus au feeling, et à d’autres moments plus en contrôle tactique. Ce qui est sûr, c’est que nous échangeons beaucoup avant chaque départ afin de définir une stratégie. Ensuite, on essaie de tenir le projet que l’on a mis en place… mais il ne faut pas hésiter à faire preuve d’opportunisme pour changer si l’on a vu autre chose. L’important, c’est de toujours garder le fil et aussi de communiquer sans cesse.»
Billy et Marie (en cœur) : «Nos faiblesses ? On ne sait pas ! On dira rien…» (rires !)
Les départs
M. R. : «Ce n’est pas parce que nous sommes plutôt rapides que nous ne prenons pas de risques sur les départs. En Nacra 17, les départs sont hyperimportants. Sur une ligne de départ avec plus de 40 bateaux, si tu pars mal, c’est très dur de revenir. Tu navigues dans les dévents et tu galères vite… Bref, la priorité, c’est vraiment le départ !»
B. B. : «A Rio, c’est vrai que ça va être un peu différent, car nous ne serons que vingt sur la ligne.»
Les départs… toujours aussi délicats sur ces bombes que sont les Nacra 17 ! Photo @ D. Ravon
Le coach
M. R. : «Franck (Citeau) a une vision extérieure très intéressante, notamment sur les réglages, les vrillages… Cela nous permet de peaufiner, car il a vraiment l’œil.»
B. B. : «Dès qu’il sent que nous sommes un peu en dessous, il ne manque pas de nous remettre dans l’axe. Il a aussi l’expérience des jeux Olympiques.» (Franck Citeau a terminé 6e aux JO d’Atlanta en 1996 en Tornado avec Fred Le Peutrec, ndlr).
La préparation physique
M. R. : «Nous n’avons pas le même niveau d’exigence physique que les planchistes. Eux, c’est encore un autre niveau de préparation.»
B. B. : «Mine de rien, je pense que pour bien finir la journée quand tu as eu trois manches de brise, il vaut mieux avoir la “caisse” ! Quand tu as la même fraîcheur à la fin de la journée qu’au début, tu gagnes un avantage énorme. Ça reste un bateau assez puissant, mais surtout exigeant, car il y a plein de petits appuis à gérer en permanence. Nous n’avons plus 20 ans (35 tous les deux, ndlr) et il faut que nous fassions très attention.»
M. R. : «Surtout, le bateau est assez vicieux. Tu es toujours sur le fil du rasoir… et ce n’est pas compliqué de chavirer ! Il faut donc être très affûté pour rester lucide. Lors du dernier championnat du monde, on a fait tout le programme, soit quinze manches dont plusieurs dans du vent et de la mer. C’était très éprouvant, mais on a réussi à tenir le choc, car nous étions bien préparés physiquement.»
Le plan d’eau de Rio
B. B. : «De toute façon, il faut l’aimer !»
M. R. : «Je crois que depuis le début de la PO (préparation olympique, ndlr) on s’y sent bien !»
B. B. : «Je confirme ! De par la température déjà… et c’est important pour le Tahitien que je suis… Plus sérieusement, c’est un plan d’eau sympa, que nous avons assez rapidement adopté je trouve. Il faut être polyvalent et surtout ouvert d’esprit, ne surtout pas rester sur des schémas bloqués.»
Marie et Billy (en cœur) : «Comme dit Jean-Claude Van Damme, il faut être “aware”» !
(Voir la vidéo ici)
B. B. : «Si les Jeux de Rio se déroulent dans de la molle (du très petit temps, ndlr), il peut y avoir beaucoup plus de surprises. C’est beaucoup moins technique et tu peux très vite être distancé si des bateaux accrochent la bonne risée…»
M. R. : «Après, il va falloir rester tout le temps très régulier. Ce n’est pas celui qui va gagner le plus de manches qui aura une médaille, mais celui qui fera le moins d’erreurs possible.»
La concurrence
B. B. : «On ne pense pas trop aux adversaires et encore moins à l’éventuel ascendant psychologique que nous pourrions avoir, car on aime bien faire notre “sauce”… mais s’ils en pâtissent, tant mieux pour nous. Mais après, il ne faut pas se la jouer, et connaître nos forces et nos faiblesses !»
M. R. : «Les Australiens sont en forme, les Italiens avec qui on s’est entraîné cet hiver en Sardaigne sont dans le coup, les Hollandais et les Danois aussi. Et les Anglais et Espagnols ont bien progressé ces derniers temps.»